Les règles et les limites : une manière de se construire

Petite point sur le développement de l’enfant

 

Les bébés ont une curiosité naturelle qui les pousse à explorer leur environnement. Lorsqu’ils commencent à bien  se déplacer, et surtout entre 9 et 11 mois, ils sont heureux de découvrir de nombreux endroits par eux-mêmes. Mais ils n’ont toutefois pas encore conscience des dangers potentiels qui existent dans leur environnement.
Pour assurer leur sécurité, il est alors important d’introduire quelques règles et limites afin qu’ils découvrent et intègrent peu à peu ce qu’ils peuvent et ne peuvent pas faire.

Vers 12 mois, les tout-petits sont prêts pour les règles qui leur permettent d’apprendre des manières d’agir avec les autres personnes et les objets. À cet âge, les règles visent encore à assurer leur sécurité, mais aussi à limiter les gestes dits  « agressifs ». Par exemple : « sois doux avec ton ami » et « tu peux toucher cette plante, mais fais doucement, elle est fragile ».

Peu importe l’âge, dans tous les cas, les règles sont aussi là pour sécuriser et rassurer les enfants, particulièrement si elles sont appliquées avec constance. Ils savent ainsi à quoi s’attendre et comprennent de façon claire ce qui est accepté et ce qui ne l’est pas. Les enfants ont besoin pour cela de l’accompagnement d’un adulte qui fait appliquer le cadre (ex. : parent, éducateur). Sans ce cadre sécurisant et sécurisé, ils peuvent d’ailleurs se sentir angoissés et perdus en raison de la trop grande liberté qui leur est accordée.

Pourquoi faut-il poser des limites ?

 

Dire « NON » à son enfant n’est pas chose facile… Les parents ont souvent peur de sa réaction qui peut être parfois disproportionnée : l’enfant se jette par terre, se met à hurler et taper des pieds. Il arrive parfois qu’il tape l’adulte ou qu’il jette un objet car ses émotions (frustration, colère) sont trop intenses et qu’il ne sait tout simplement pas comment les gérer.

Nous avons tous été confrontés au « non », que ce soit pendant notre enfance ou encore même aujourd’hui dans notre vie d’adulte, et nous savons désormais comment gérer nos propres émotions face à cette négation et à la frustration. Mais cela nécessite un long apprentissage…

Il est nécessaire de pouvoir dire « non » en tant que parent et surtout, votre enfant a besoin de l’entendre dès son plus jeune âge. (Nous verrons plus tard que ce « non » peut être formulé autrement dans une démarche plus positive et bienveillante dans l’intégration des règles et limites.)

Pour bien grandir, les enfants ont en effet besoin de cadre et c’est là que les règles et les limites jouent un rôle important. Les interdits rassurent, créent un environnement dans lequel ils se sentent en sécurité. Ils permettent à l’enfant de situer sa place auprès de celle de l’adulte.

Pour l’enfant, adapter ses comportements en tenant compte de ses besoins et de ceux des autres est une vraie difficulté. Le cadre que vous fixez avec votre enfant lui permet d’avoir confiance en lui et en les autres, de se construire et se sociabiliser.

L’enfant a besoin de ces règles qui lui donnent des repères, pour comprendre :

  • Le monde qui l’entoure
  • Comment vivre avec les autres
  • Quelles sont les règles de la vie sociale

Pour résumer : Les limites et les règles permettent à l’enfant de trouver sa place, d’être rassuré, de distinguer ce qui est autorisé de ce qui ne l’est pas, ce qui assure sa protection et celle des autres et ce qui, à l’inverse, nuira à la vie en société.

Sentiments, oppositions et désirs sont naturels et méritent d’être écoutés… sans pour autant être toujours exaucés !

Comment les poser ?

 

  • « Formuler des règles positives » :

Les enfants comprennent beaucoup mieux les phrases affirmatives que négatives.
Pour faire court, les « ne pas » ne sont pas vraiment efficaces car le cerveau de l’enfant n’est pas encore assez mature pour faire des liaisons entre la phrase en elle-même et la négation qui y est à l’intérieur. Même si l’enfant comprend la négation, elle doit aussi faire un chemin bien plus long et compliqué pour être analysée par le cerveau.

Or, l’enfant est dominé par des pulsions qu’il ne peut maitriser et c’est pour cela que lorsqu’il entend « Ne met pas ça dans ta bouche », le cerveau décortique la phrase : « met » …. « bouche » … puis « ne… pas ». Mais comme l’enfant est dans la pulsion, la réaction physique sera donc plus rapide que l’analyse cérébrale : et voilà que votre enfant va immédiatement mettre dans sa bouche alors que vous veniez de lui interdire ! Vous pensez alors qu’il n’écoute vraiment rien…! Alors que c’est ce raccourci du cerveau qui amène une compréhension inverse de ce que vous venez de lui dire !

Quelques consignes, règles positives qui peuvent être adaptées à votre enfant :

  • « Parle plus doucement s’il te plait » plutôt que « Ne crie pas »
  • « Marche dans la maison » plutôt que « Ne cours pas »
  • « Descend du fauteuil » plutôt que « Ne monte pas sur le fauteuil »
  • « Laisse cet objet » plutôt que « Ne touche pas à ça », etc.

A vous de jouer pour adapter les négations !!! C’est un travail qui n’est pas évident mais qui gagne à être fait (à la crèche nous passons beaucoup de temps en équipe à réfléchir aux différentes formulations que nous pouvons utiliser afin de rendre les règles plus « positives » !)

Vous pouvez alors formuler des phrases positives qui résonneront mieux chez votre enfant. Ainsi, il respectera plus facilement l’interdit que vous lui avez posé. Une demande formulée de manière positive indique aux enfants ce que nous « voulons » qu’ils fassent, plutôt que ce que nous ne voulons pas qu’ils fassent. Cela permet également de rediriger l’action de l’enfant et son comportement, c’est ce que nous appelons faire une « proposition alternative » ici à la crèche.

 

  • Un enfant qui jette les jeux : « je vois que tu as besoin de jeter, de lancer. Peut-être que tu peux le faire avec ce ballon / cette balle ? » « Cela te dirait de faire une bataille de coussins ? »

 

  • Un enfant qui monte debout sur une table : « Je trouve ça dangereux ce que tu es en train de faire, cela me fait peur. Tu as très envie de grimper, je peux te proposer de sortir les blocs-moteur (ou de mettre en place un parcours moteur) pour que tu puisses le faire en toute sécurité. »

 

  • Un enfant qui tape un autre enfant : « Mais pourquoi est-ce que tu le tapes ? Tu es en colère ? Si tu as besoin de taper je te peux te proposer de taper sur le coussin ou sur ton doudou » / « Peut-être que c’est trop difficile pour toi d’être dans le groupe, est-ce que tu as besoin d’être un peu seul ou besoin d’un câlin ? »

 

Ce type de formulation dans un langage positif, qui joue sur la connexion émotionnelle propose une alternative qui convient à la fois aux parents, aux professionnels et aux enfants. Cela déplace le comportement de l’enfant dans une direction qui convient à tous sans pour autant formuler un interdit pur et dur.

La formulation de consignes positives invite à faire preuve de créativité : Qu’est-ce que je peux autoriser ou non à mon enfant en fonction de la situation ? Comment je peux respecter ses besoins, ses envies, ses jeux, ses explorations, ses apprentissages sans pour autant être catégorique ? Lorsque j’interdis quelque chose à mon enfant, est-ce que je le fais pour poser une réelle limite ou est-ce que je le fais par rapport à moi (mes peurs, mes valeurs, mes besoins…) ?

Il s’agit vraiment d’identifier le besoin de votre enfant à ce moment précis, de se questionner sur le pourquoi dans un premier temps, et sur le comment par la suite : qu’est-ce que je vais mettre en place et comment pour répondre à son besoin et éviter la négation stricte ?

  • Utiliser  « stop » plutôt que « non »

Par ailleurs, il est également préférable d’utiliser le « STOP » plutôt que le « NON » lorsqu’on souhaite interrompre une action d’un enfant et fixer une limite. Plus l’enfant entendra « non », plus il vous imitera et utilisera ce « non » contre vous, et plus cela vous agacera ! Utiliser le « stop » est intéressant car il amène une autre manière de dire non, et qui « stoppe » davantage l’enfant dans son action (cela va l’interpeller). Plutôt que le « non » qui, utilisé trop fréquemment, n’a plus vraiment de sens pour l’enfant et devient un « jeu ».

 

  • « Expliquer pourquoi cette règle/ cet interdit est établi »

Une règle sans explication trouvera peu d’écho chez votre enfant. Cependant, s’il comprend pourquoi telle ou telle consigne existe, il lui sera alors plus facile de l’accepter et de l’assimiler. Votre enfant est là pour apprendre, pour comprendre le monde qui l’entoure et les règles qui le régissent. C’est pour cela que l’explication est importante,  l’enfant lui, se pose tout un tas de questions afin d’appréhender son environnement : pourquoi papa/maman me dit « non » ? Qu’est-ce que ça fait si je fais ça ? Pourquoi n’ai-je pas le droit ?

C’est pour cela que plusieurs types de règles existent. Et c’est à vous en tant que parent, de les poser et d’expliquer clairement à votre enfant pourquoi vous posez ces règles et ces interdits-là. C’est d’ailleurs grâce à cela que votre enfant va se construire et apporter à son cerveau tout ce travail de réflexion, d’analyse et de compréhension et qui feront de lui un enfant comblé, épanouie.

 

  • Certaines règles existent pour favoriser la sécurité de votre enfant, elles relèvent de ce qui lui est formellement interdit, exclu. Elles sont posées de manière prioritaire pour protéger l’intégrité physique du tout-petit : « Tu donnes la main quand on traverse la rue car il y a beaucoup de voitures », « Il est interdit de toucher la porte du four car c’est très chaud, tu risques de te brûler ».

 

  • D’autres permettent de vivre en communauté et assurent le respect mutuel : « Il est interdit de taper les autres », « Prends soin du matériel »…

 

  • Enfin, certaines règles sont propres à chaque famille, à chaque situation et posent des limites dans le cadre du cercle familial : « Il est l’heure de se coucher, tu vas au lit ».

 

  • « Être constant / en cohérence »

Il est nécessaire de conserver les mêmes règles et de les rappeler très souvent. Mais pourquoi ?

Une fois la ou les règles établies, il est important de s’y tenir. En tant que parents ou professionnels, il apparait alors essentiel que les règles que vous fixez soient fermes et ne permettent pas la transgression. C’est pour cela que nous parlerons un peu plus bas de la cohérence entre les personnes qui accompagnent l’enfant tout au long de sa vie.

Rappeler encore et encore les règles pour qu’elles soient intégrées, comprises par les enfants. Que vous soyez parent ou professionnel, il est essentiel de répéter, de rappeler calmement les règles le nombre de fois qu’il faut.
Si un enfant se met en colère à cause d’une règle établie par l’adulte, il est important de l’accompagner à accepter cette situation de frustration : «Tu es en colère et tu en as le droit, mais je te rappelle que dans l’espace calme il est seulement possible de jouer calmement, et ton comportement ne te permet pas d’y rester. Tu peux aller dans la cours si tu veux. Là-bas tu auras la possibilité de crier, sauter et courir.»

 

D’accord répéter… mais si on répète la même chose TOUTE la journée ?! Les nerfs vont finir par lâcher…

Nous entendons et comprenons tout à fait ce que les parents veulent nous dire par là. Et oui, en tant que professionnels, nous vivons la même chose au quotidien lorsque nous nous occupons de vos enfants. Bien sûr, certaines fois, le fait de répéter n’est pas suffisant pour l’enfant, car celui-ci peut mettre beaucoup de temps avant d’intégrer la règle, l’interdit qui est posé. C’est pour cela qu’en cas de non-respect répétitif d’une règle ou d’un interdit il est important d’exécuter les « conséquences » qui ont été établies au préalable (que ce soit par les parents ou par l’équipe).

Par exemple, ici à la crèche, nous appliquons « la règle des 3 fois » :

  • 1ère fois : l’enfant transgresse la règle posée. L’adulte intervient et lui explique que ce qu’il vient de faire est interdit et pourquoi ça l’est. Nous utilisons également le signe « Interdit » issus de la Langue des Signes. Il lui propose une alternative afin de déplacer le comportement de l’enfant.

 

  • 2ème fois : l’enfant recommence. L’adulte intervient de nouveau : réexplique, verbalise, questionne l’enfant et propose de nouveau une alternative (qui peut être la même ou non / qui revient à dire « cela est interdit en revanche ça tu peux »). L’adulte rajoute qu’à la troisième fois (s’il recommence encore), il y aura une « conséquence » en fonction de l’action (attention, il ne s’agit pas de punitions, mais d’une action qui sera en lien et adaptée à la situation.).

 

  • 3ème fois : l’enfant réitère. L’adulte intervient et applique la consigne qu’il a donné précédemment. Une fois l’atmosphère détendue et l’enfant prêt à entendre à nouveau, l’adulte peut réexpliquer que ce qu’il vient de faire est interdit et pourquoi ça l’est.

 

Petit exemple pour illustrer cette méthode…

Un enfant commence à monter sur la table à la crèche…

1ère fois : « stop, c’est interdit de monter sur la table. C’est dangereux, tu risques de te faire mal. Si tu as besoin de grimper tu peux grimper sur ce bloc moteur. »

L’enfant continue son action…

2ème temps : « je t’ai dit que c’est interdit, si tu recommences et que tu montes sur la table, je te prends avec moi et je te déplace… ».

Il continue son ascension sur la table….

3ème temps : je le porte et le déplace, vers les blocs moteurs pour grimper, ou je le déplace dans la pièce vers un autre jeu… et je lui réexplique calmement que c’est trop dangereux, qu’il peut se faire mal, et que c’est interdit !

 

En agissant toujours au bout de la troisième fois, l’enfant sait que la limite, il finira par la trouver. L’adulte s’épuise alors moins, car sans cette « limite des trois temps » que nous nous imposons,  nous serions encore en train de lui répéter l’interdit, sans que cela ne fasse effet ! Loin de là l’idée de le « punir » pour qu’il « comprenne » ou de l’isoler seul dans un coin (il est trop petit pour « comprendre » et « réfléchir » à ce qu’il vient de faire !). cf article sur les punitions et article sur le « coin ».

L’objectif est donc d’appliquer l’interdit par une action qui va l’en détourner. A la crèche, nous pouvons demander à l’enfant de s’asseoir avec nous, lorsqu’il a besoin d’être isolé du groupe car il tape ou pousse par exemple et que cela devient compliqué à gérer pour lui. L’idée est de permettre à l’enfant de se recentrer sur lui-même car ses émotions débordent. L’accompagner c’est le maître mot : le prendre dans ses bras (créer de la contenance) ou tout simplement s’installer avec lui à l’écart des autres enfants pour lui permettre de décharger, lui proposer d’aller se ressourcer dans un espace dédié, avec son doudou et sa tétine… Sont tout autant de petites astuces qui peuvent lui être bénéfiques.

 

La cohérence ? Une façon d’intégrer les règles et les limites… mais qu’est-ce que c’est ?

Les tout-petits sont malins. Que ce soit avec vous parents, ou avec les professionnels, ils savent repérer la faille quand il y en a une. Par exemple, l’enfant va vite savoir vers qui se tourner si un adulte lui pose un interdit et que l’autre le laisse faire.

Dans le cercle familial, il est important d’éviter de se contredire avec l’autre parent et de se mettre d’accord ensemble sur les règles et les limites que vous fixez à votre enfant. En effet, le manque de cohérence est très déstabilisant pour un enfant, cela peut entrainer une insécurité, un mal-être ou une difficulté supplémentaire à intégrer la règle, l’interdit posé.

De plus, cela peut vous mettre dans une situation désagréable et vous mettre à mal. Nous entendons souvent les parents dirent « De toute façon, avec moi, il fait toujours ce qu’il veut, il ne m’écoute jamais. » Le fait de ne pas être en accord avec l’autre parent peut changer le comportement que votre enfant aura lorsqu’il sera en votre présence. Il est en capacité de se dire « maman me dit non mais papa dit oui » donc il va se diriger plus vers le parent qui ne donnera pas de règle ou alors « avec maman j’ai le droit, mais avec papa non » / « maman ne me dit rien et papa me demande d’aller dans ma chambre… »

Face à une incohérence au niveau des pratiques, au niveau des règles et des limites posées, votre enfant peut vite se sentir perdu, désorienté… et il peut justement vous « tester » encore plus, afin que vous lui posiez réellement le cadre dont il a besoin pour se construire et s’épanouir.

Dans le cas de parents qui sont séparés ou se séparent, il est important et même essentiel de maintenir une communication qui concerne l’enfant et son éducation. Même si cela peut être compliqué dans la relation entre les adultes, l’enfant reste au centre de l’attention, et maintenir une communication autour de l’enfant et son éducation est essentiel. Ce ne sera certainement pas pareil chez maman et chez papa, mais l’idée est de maintenir des valeurs communes pour un minimum de cohérence…

 

 

  • « Mettre des mots sur les émotions parfois débordantes de l’enfant »

Lorsque l’on pose une limite, un interdit, l’enfant peut parfois répondre de façon « excessive » car il est débordé par ses émotions intenses. Il se jette au sol, crie, tape l’adulte pour montrer son désaccord, son mécontentement.

L’enfant a besoin que son sentiment de frustration soit reconnu et compris par l’adulte sans jugement ; L’adulte qui met des mots sur ses émotions permet à l’enfant de se sentir reconnu et d’accepter la règle ou la limite posée. C’est ce qui le fait grandir !

 

  • Limiter les règles et les limites

Quelques fois nous donnons trop de règles et de limites et c’est souvent là que l’enfant peut s’y perdre. Il est important d’avoir un nombre limité de règles qui seront non négociables comme par exemple, l’interdiction de la violence (avec l’adulte et les autres enfants qu’il côtoie). Il faut aussi penser qu’il peut y avoir des règles modulables.

Exemple : Les enfants montent le toboggan à l’envers. Ils s’approprient l’équilibre, la sensation de hauteur, d’autonomie. L’enfant s’approprie le toboggan.

La règle du toboggan est modulable : si un enfant veut monter à l’envers le toboggan au moment ou un autre enfant veut le descendre normalement, alors l’enfant qui désirait monter fait le tour ou patiente.
Mais s’il n’y a personne et que l’enfant ne se met pas en danger, pourquoi pas ?

C’est pour cela qu’il est important de parler à l’enfant, de lui expliquer les choses afin qu’il comprenne pourquoi là c’est possible pour lui (il ne met en danger personne autour, ne se met pas en danger) et pourquoi d’autres fois ça ne l’est pas (dérange un autre enfant, met en danger ou se met en danger).

Si l’enfant persiste dans le comportement inapproprié, il est essentiel d’aller chercher derrière, de « creuser » ce que l’enfant nous montre à voir. En effet, un enfant ne « provoque » pas ses parents (ou l’adulte) mais peut chercher son attention concrète en prolongeant le comportement qui a fait réagir son parent. Il peut chercher à valider auprès de lui ce qui est bien interdit en reproduisant le geste en question (et ce plusieurs fois jusqu’à ce qu’il l’intègre), ou il peut simplement n’avoir pas compris les attentes. L’enfant peut tout à fait ne pas être pas capable physiquement et/ou émotionnellement de répondre aux attentes qu’on a de lui… C’est pour cela que la patience, la cohérence et la répétition sont de rigueur afin d’accompagner au mieux l’enfant dans l’intégration des règles et des limites.

Les croyances éducatives… Un juste équilibre à trouver

 

Les courants éducatifs sont nombreux et évoluent avec le temps.

Il existe beaucoup de croyances, des influences de toutes parts qui génèrent parfois des difficultés pour les familles à s’y retrouver dans tout ça. Comment pose-t-on des limites ? Que considère-t-on comme « bêtise » ? Faut-il punir son enfant ? Le mettre au coin ?

Nous observons des grandes diversités d’éducation dans les familles que nous accueillons, et souvent des familles qui sont un peu « perdues » entre ce que dit le pédiatre, la famille, ce qu’elles ont lu sur internet, et notre point de vue à nous… etc.

Deux croyances peuvent apparaitre, qui sont contraires :

  • Celle de ne pas frustrer l’enfant (une déformation de l’éducation bienveillante qui se transforme en éducation permissive)
  • Et celle au contraire, pour laquelle il faut absolument que l’enfant connaisse la frustration (une éducation un peu trop « cadrée »)

Voyons de plus près ces deux profils…

Entre l’éducation bienveillante et l’éducation permissive

Les nouvelles connaissances sur l’enfant, l’évolution du regard que l’on porte sur lui ont mis en lumière un type d’éducation « positive » ou connue aussi sous le nom d’éducation « bienveillante ». Celle-ci consiste à écouter son enfant, mettre des mots sur ce qu’il fait, sur ses besoins… reconnaitre son besoin et proposer des alternatives lorsqu’il fait des expériences. C’est ce que nous prônons à la micro-crèche. Un type d’éducation respectueux de l’enfant, de ses besoins, mais qui comprend des règles et des limites !

 

Sauf que ce type d’éducation est parfois mal interprété, et des parents pensent alors qu’il faut laisser tout faire à son enfant, et qu’il ne faut absolument pas le frustrer… Certaines familles acceptent mal les « crises » de leur enfant en cas de frustration car ses colères, ses réactions sont parfois disproportionnées (cf. article sur les colères).
Ou ils ont des difficultés à poser des limites tout simplement… Peut-être parce qu’ils pensent que leur enfant les aimera moins ? Qu’ils ont un sentiment de culpabilité ? Ou qu’ils appréhendent ces fameuses réactions de colère pouvant être parfois impressionnantes, ne sachant pas comment réagir.

Or comme nous l’avons vu, l’enfant a besoin de limites ! C’est ce qui l’aide à grandir et à se sentir en sécurité. Il a besoin également de se trouver confronté à ses émotions en cas de frustration. Comment pourra-t-il apprendre à gérer ses émotions s’il n’est jamais confronté à un refus de la part du parent ? Comment saura-t-il ce qui est acceptable de faire ou pas, s’il n’est pas guidé là-dedans ?

 

L’éducation bienveillante est une manière de poser les limites dans un esprit positif, d’écoute, et d’accompagnement de l’enfant lors de ses réactions face aux limites… mais elle contient quand même des règles et limites ! Attention à ne pas basculer dans ce qu’on appelle « l’enfant roi », pour qui tout est dû, et à qui on ne refuse rien…

Il y a juste équilibre à trouver. Il y a des choses que nous pouvons laisser faire à l’enfant, car elles correspondent à un besoin de découverte, d’expériences, mais d’autres qui ne sont pas négociables, car « c’est comme ça et pas autrement » !

 

A contrario, un « trop de limites » et de frustrations n’est pas forcément l’idéal non plus…

 

Cet enfant qu’il faut frustrer à tout prix

Il nous est déjà arrivé d’entendre qu’il FALLAIT FRUSTRER l’enfant, pour qu’il connaisse la frustration et qu’il apprenne les difficultés de la vie et à être confronté au « non ».

Ce type d’éducation est celui qui était prépondérant avant, à l’époque de nos parents, grands-parents, qui étaient élevés « à la dure » comme on dit. Une éducation faite de punitions, fessées, coins, caractérisée par un cadre strict, dans lequel l’enfant n’avait pas son mot à dire, et ses besoins n’étaient pas reconnus. Cette éducation est caractérisée par un adulte qui veut être respecté, qui crie, et qui fait peur à l’enfant !

Cette croyance qu’il faut apprendre l’enfant à être frustré est inutile. L’enfant rencontre bien des frustrations sur son chemin, dès sa naissance, qu’il apprend à gérer avec l’accompagnement de l’adulte. « Brider » son enfant et ne lui laisser rien faire, c’est tomber dans un « trop », qui pourra avoir des incidences plus tard sur l’adolescent/adulte qu’il sera.

Là encore, il s’agit de trouver un juste équilibre… et ôter cette idée de la tête qui est « j’ai été élevé à la dure et je n’en ai pas souffert ». Nos connaissances ont évolué, les enfants ont des besoins d‘expérimentations, qui ne sont pas forcément des « bêtises » mais des « expériences », (cf. article sur punitions et sur le coin).

Petite aparté sur la FRUSTRATION

 

La frustration : qu’est-ce que c’est ?

La frustration est un état d’insatisfaction provoqué par le sentiment de n’avoir pas pu réaliser un désir. Nous sommes tous programmés pour rechercher le plaisir immédiat, et c’est particulièrement vrai pour les enfants, qui vivent sous le mode « je veux tout, tout de suite ».  Ils se sentent frustrés quand ils se confrontent à la réalité, une limite, un interdit… et que leur désir ne peut être satisfait.

La frustration est inévitable, car on ne peut pas dire « oui » à tout, comme nous l’avons vu… comme il n’est pas nécessaire de frustrer à tout va ! Ce qui peut être compliqué par la suite, c’est la réaction de l’enfant face à la frustration, car oui il va inévitablement réagir… Cela peut se traduire par des pleurs, des cris, des colères, du « roulage par terre », etc… comment réagir alors ? Quelle attitude adopter face aux réactions parfois excessives de l’enfant ?

 

La décharge émotionnelle liée à la frustration

Le tout petit ne sait pas gérer ses émotions, il en est incapable, du fait de l’immaturité de son cerveau. Il n’a pas encore les clés et les outils, comme nous, adultes, pour gérer des émotions trop fortes. L’enfant a besoin de décharger ses émotions, et cela peut être de manière parfois impressionnante. On peut se dire qu’il « en fait trop », qu’il « exagère » … mais ce n’est pas de son plein grès. Ses réactions sont instinctives et il s’agit de ne pas les nier, de les reconnaitre, afin de pouvoir les accompagner au mieux.

L’enfant est parfois dépassé par ses propres réactions qu’il n’arrive pas à stopper. Comme la colère… elle peut générer des manifestations d’agressivité (contre les autres, lui-même ou contre vous), des pleurs incontrôlables, des cris, etc. A savoir que l’enfant n’est pas mature émotionnellement, il a été prouvé que la maturité émotionnelle, c’est-à-dire la capacité à ressentir, exprimer, mais aussi assumer ses émotions, n’est acquise que vers l’âge de 25 ans !!! Ce qui veut dire qu’un long travail est nécessaire pour acquérir cette capacité de gestion des émotions. Plus la réponse aux démonstrations émotionnelles de l’enfant est adaptée, plus cela l’aidera à les identifier et apprendre à les gérer.

 

Comment accompagner les cris, colères ?  

A la crèche, lorsqu’un enfant manifeste de la colère, nous lui proposons différentes alternatives :

Si l’enfant crie, nous pouvons lui proposer de crier dans un espace spécifique et repérable, ou il est toléré de crier, ou même dans un coussin…

S’il tape, tape des pieds, etc… nous lui proposons de taper dans un coussin, afin qu’il puisse décharger de manière acceptable ;

S’il se jette par terre, nous le mettons dans un endroit sécurisé pour qu’il ne se fasse pas mal…

Et dans tous les cas, nous VERBALISONS et l’ACCOMPAGNONS lors de ces moments de forte décharge émotionnelle… nous lui permettons de décharger car il en a besoin, mais dans des espaces ou sur des objets sur lesquels il est acceptable de se défouler. Et surtout nous mettons des mots, et nous reparlons de ce qui vient de se passer une fois la tempête émotionnelle passée. Et nous lui offrons la sécurité affective dont il a besoin une fois apaisé en lui proposant un câlin s’il en a besoin ou encore son doudou et sa tétine.

Il est inutile et même néfaste de le « gronder » car il est en colère. Il est au contraire nécessaire de reconnaitre son émotion (ici sa colère), de mettre des mots dessus, et de l’aider à la surmonter… en grandissant, l’enfant va progressivement apprendre à la gérer, et l’orienter de manière adaptée. (cf article sur les colères)

 

Si vous avez des questions ou souhaitez échanger à ce sujet, n’hésitez pas à nous contacter par mail ou nous solliciter lors des transmissions… nous débattrons avec plaisir avec vous !

 

Vanessa et Aurélie

Educatrices de jeunes enfants – « les crèches Frangin »

 

 

Bibliographie

 

Quelques articles intéressants pouvant compléter nos réflexions…

 

https://lesprosdelapetiteenfance.fr/bebes-enfants/psycho-pedagogie/fiches-pratiques/il-ne-respecte-pas-les-limites-ni-les-interdits

 

https://lesprosdelapetiteenfance.fr/bebes-enfants/psycho-pedagogie/un-enfant-ne-fait-jamais-expres-mais-il-sait-parfois-ce-quil-fait

 

https://lesprosdelapetiteenfance.fr/vie-professionnelle/paroles-de-pro/chroniques/les-chroniques-de-monique-busquet/comprendre-nest-pas-ne-jamais-dire-non-par-monique-busquet

 

https://lesprosdelapetiteenfance.fr/vie-professionnelle/paroles-de-pro/chroniques/les-chroniques-de-monique-busquet/dire-non-et-dire-oui-par-monique-busquet

 

https://lesprosdelapetiteenfance.fr/bebes-enfants/psycho-pedagogie/comment-accueillir-les-emotions-du-jeune-enfant

Ouvrages

Isabelle Filliozat, « Au cœur des émotions de l’enfant »

Isabelle Filliozat « j’ai tout essayé »

https://apprendreaeduquer.fr/parentalite-positive-demande-positive-interdit/